vendredi, janvier 06, 2017

François le velléitaire

Je parle pas de l’actuel président, mais du (pourquoi pas ?) futur président.

Je sais, je ne devrais pas en parler du tout, puisque je suis persuadé que tout ceci est un théâtre d’ombres, que le destin de la France se joue à Washington, à Berlin, à Moscou, à Londres, aussi peut-être à Rome, mais certainement pas à Paris.

François Fillon présente autant d’intérêt que Justin Bieber. Mais, comme l‘adolescente avec Justin, je ne peux m’empêcher de parler de François.

D’abord, le plus important. Il faut se méfier des François comme de la peste : François Mitterrand, François Hollande, François Chirac, François Sarkozy …

Ensuite, Eric Verhaeghe a fort bien analysé comment, avec le choix de son équipe et avec son cafouillage sur la Sécu, François Fillon s’est tiré une rafale d’orgues de Staline dans les panards.

Il n’a visiblement pas compris Trump : le compromis, ça fait ancien monde, continuité. Si on promet qu’on va faire la rupture après l’élection, il faut apporter des preuves avant l’élection en brisant les tabous.

Les histoires de personnes sont des hochets pour nous distraire des enjeux de fond. Le tabou ultime que François Fillon ne veut pas briser, qui le condamne à mener la même politique que Sarkozy et Hollande, c’est l’Euro. Seule la sortie de l’Euro (et, par suite, de l’UE) rendrait la cohérence à son programme. Je comprends qu’il ne veuille pas faire cette inquiétante (et pourtant salutaire) proposition, mais alors, pourquoi a-t-il un programme qui ne peut fonctionner qu’en sortant de l’Euro ? On ne peut que lui conseiller de revoir l’excellentissime discours de son mentor Seguin sur le traité de Maastricht. A l’épreuve du temps (25 ans déjà), il s’est bonifié et est devenu un monument d’intelligence prémonitoire (1) (c’est autre chose que le chevènementisme à la mode).

Marine Le Pen a, certes, la même incohérence, mais elle n’est pas dans la même position : elle vit (pour combien de temps encore ?) sur la lancée de son père.

C'est à cause de cette incohérence fondamentale que François Fillon continuera à paraître hésitant, velléitaire, à passer un mou, un éternel second, un collaborateur.

Cela ne l'empêchera peut-être pas d'être élu, puisqu'il faudra bien qu'il y ait un vainqueur au soir du deuxième tour. Mais cela nous permet de prédire que son éventuel mandat sera encore une perte de cinq ans pour la France.

Nota : ceux qui conseillent à Fillon un discours churchillien oublient juste que Churchill justifiait par une perspective : la victoire. Quelle perspective Fillon ouvre-t-il pour la France ?

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(1) : je reproche aux autres les commentaires trop longs, mais là, je ne peux m’empêcher d’en citer de larges extraits (j’espère que vous me pardonnerez) :


Quand, du fait de l'application des accords de Maastricht, notamment en ce qui concerne la monnaie unique, le coût de la dénonciation sera devenu exorbitant, le piège sera refermé et, demain, aucune majorité parlementaire, quelles que soient les circonstances, ne pourra raisonnablement revenir sur ce qui aura été fait.

Craignons alors que, pour finir, les sentiments nationaux, à force d'être étouffés, ne s'exacerbent jusqu'à se muer en nationalismes et ne conduisent l'Europe, une fois encore, au bord de graves difficultés, car rien n'est plus dangereux qu'une nation trop longtemps frustrée de la souveraineté par laquelle s'exprime sa liberté, c'est-à-dire son droit imprescriptible à choisir son destin
On ne joue pas impunément avec les peuples et leur histoire. Toutes les chimères politiques sont appelées un jour ou l'autre à se briser sur les réalités historiques. La Russie a bel et bien fini par boire le communisme comme un buvard parce que la Russie avait plus de consistance historique que le communisme, mais à quel prix ? 

[...]

Dans cette affaire éminemment politique, le véritable et le seul débat oppose donc, d'un côté, ceux qui tiennent la nation pour une simple modalité d'organisation sociale désormais dépassée dans une course à la mondialisation qu'ils appellent de leurs vœux et, de l'autre, ceux qui s'en font une tout autre idée.

La nation, pour ces derniers, est quelque chose qui possède une dimension affective et une dimension spirituelle. C'est le résultat d'un accomplissement, le produit d'une mystérieuse métamorphose par laquelle un peuple devient davantage qu'une communauté solidaire, presque un corps et une âme. Certes, les peuples n'ont pas tous la même conception de la nation : les Français ont la leur, qui n'est pas celle des Allemands ni celle des Anglais, mais toutes les nations se ressemblent quand même et nulle part rien de durable ne s'accomplit en dehors d'elles, la démocratie elle-même est impensable sans la nation.

De Gaulle disait : « La démocratie pour moi se confond exactement avec la souveraineté nationale.» On ne saurait mieux souligner que pour qu'il y ait une démocratie il faut qu'existe un sentiment d'appartenance communautaire suffisamment puissant pour entraîner la minorité à accepter la loi de la majorité! Et la nation c'est précisément ce par quoi ce sentiment existe. Or la nation cela ne s'invente ni ne se décrète pas plus que la souveraineté !

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En premier lieu, il renouvelle le choix d'une politique qu'on pourrait qualifier de « monétarienne », qui est synonyme de taux d'intérêt réels élevés, donc de frein à l'investissement et à l'emploi et d'austérité salariale. Notons à ce propos l'hypocrisie fatale qui consiste à parler de « franc fort » lorsque le refus de la dévaluation se paie du blocage de l'investissement et de l'explosion du chômage. C'est très exactement la réédition de la «politique du bloc-or » qui a conduit l'industrie française à la crise au cours des années trente. Bonjour la modernité !

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Enfin, et je souhaite insister sur ce point, la normalisation de la politique économique française implique à très court terme la révision à la baisse de notre système de protection sociale, qui va rapidement se révéler un obstacle rédhibitoire, tant pour l'harmonisation que pour la fameuse « convergence » des économies.

Que la crise de notre État providence appelle de profondes réformes, je serai le dernier à le contester. Que cette modernisation, faute de courage politique, soit imposée par les institutions communautaires, voilà qui me semble à la fois inquiétant et riche de désillusions pour notre pays. Il suffit d'ailleurs de penser à cette «  Europe sociale» qu'on nous promet et dont le Président de la République, lui-même, inquiet, semble-t-il, des conséquences de la monnaie unique, cherchait à nous convaincre, à l'aurore de ce 1er mai 1992, qu'elle aurait un contenu, qu'elle nous assurerait un monde meilleur. Hélas, quand on lit les accords de Maastricht, on ne voit pas très bien où est le progrès social !

[...]

Il est temps de dire que bâtir l'Europe des Douze sur la peur obsessionnelle de la puissance de l'Allemagne est tout de même une bien étrange démarche, proche de la paranoïa. D'autant qu'à force de vouloir faire cette intégration à tout prix, on va finir par faire l'Europe allemande plutôt que de ne pas faire l'Europe du tout, ce qui serait un comble.

Il ne servira à rien de tenter de ficeler l'Allemagne. Car l'Allemagne, et c'est bien naturel dans sa position, et avec les moyens dont elle dispose, ne renoncera à sa souveraineté que si elle domine l'ensemble, certainement pas si elle lui est subordonnée.

Le débat qui se développe en ce moment en Allemagne à propos de Maastricht en fait la démonstration : les Allemands veulent bien d'une banque centrale européenne, mais seulement si celle-ci est peu ou prou entre les mains de la Bundesbank, et d'une monnaie unique, si celle-ci s'appelle le mark.

Et comment peut-on imaginer que l'Allemagne va renoncer à jouer son jeu en Europe centrale ? N'a-t-elle pas d'ailleurs clairement annoncé la couleur quand elle a reconnu unilatéralement la Croatie, sans se soucier des engagements communautaires qu'elle avait pris quelques semaines auparavant ?

Une fois de plus, il nous faut considérer le monde tel qu'il est et non tel qu'on voudrait qu'il soit. Et dans ce monde-!à, ce que la France peut apporter de plus précieux à l'Europe, c'est de trouver en elle-même assez d'énergie et de volonté pour devenir un contrepoids, pour équilibrer les forces en présence, pour peser lourd face à l'Allemagne, sinon pour faire jeu égal avec elle.

Le meilleur service que nous pouvons rendre à l'Europe, c'est donc de nous engager résolument sur la voie du redressement national, c'est de restaurer la cohésion nationale et l'autorité de l'État.

Encore faut-il que nous gardions les mains assez libres pour cela.


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