dimanche, février 21, 2016

Pourquoi les Poilus de Verdun nous parlent encore

Pourquoi les Poilus de Verdun nous parlent encore

Il y a cent ans, commençait la bataille de Verdun.

Vous savez que je suis très irrité par notre propension à considérer les Poilus comme des victimes. C'est une forme d'irrespect navrante.

Oh, il ne faut pas en chercher l'explication bien loin : si nous les considérions pour ce qu'ils furent, acteurs, adultes, patriotes, tenaces et héroïques, nous verrions tout ce que nous ne sommes pas et nous refusons ce miroir accusateur. Alors ce sont des victimes, nous pouvons nous reconnaître dans ce miroir là. Le seul problème, c'est qu'il est faux.

Le bois des Caures

Le jour baisse et il commence à neiger. Pas plus d’un quart des chasseurs a survécu au bombardement, mais ils s’accrochent au terrain. Les Allemands réussissent malgré tout à se rendre maîtres de quelques positions en première ligne. Les chasseurs de lieutenant ROBIN contre-attaquent pendant la nuit pour reprendre un poste perdu. Quelques autres tirent jusqu’à ce qu’ils n’aient plus de munitions.

[…]

Le colonel marche calmement, le dernier, sa canne à la main. Il vient de faire un pansement provisoire à un chasseur blessé, dans un trou d’obus, et continue seul sa progression lorsqu’une balle l’atteint à la tempe. Les chasseurs ont perdu 90 pour 100 de leurs effectifs, mais leur résistance a retardé de façon décisive la progression allemande. 

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Les lettres de Poilus expriment des sentiments complexes, contradictoires qui varient au fil du temps et des phases de la guerre. Reste le fait : des hommes se sont maintenus dans des conditions effroyables sur la ligne de feu, d'autres non, qui se sont dérobés ou ont jeté leurs armes prématurément. Les premiers ont été infiniment plus nombreux que les autres, et c'est pour cela que Verdun n'a pas été pris, et c'est aussi pour cela que la bataille de 300 jours fut si longue et si meurtrière.

On a parfois l'impression que les Poilus de la guerre de 14 étaient faits d'une autre humanité que la nôtre …

Beaucoup des combattants étaient des paysans, ce qui accrédite le lieu commun que la résistance des Poilus à des conditions de vie extrêmement pénibles tenait à leur rusticité. En réalité, si les ouvriers qualifiés avaient tôt été retirés du front pour servir dans les usines qui produisaient le matériel nécessaire à la guerre, de nombreux combattants étaient instituteurs, domestiques, fonctionnaires, artisans, commerçants, et, dans la tranchée, les lieutenants et les capitaines étaient exposés de façon comparable à leurs hommes, les responsabilités et le devoir d'exemplarité en plus. Les contemporains ont eux-mêmes été surpris par la résistance d'une génération de Français éduqués et déjà bénéficiaires de conditions de vie meilleures, présumés amollis. On a aussi pensé que ces hommes étaient moins sensibles à la peur, à la vue du sang, à la blessure et à la perspective de la mort. C'est faux et injuste. La volonté des familles et des camarades de conserver aux tués leur identité de personne et de citoyen jusque dans la mort, même en masse, révèle une sensibilité identique à la nôtre. Il y a sans doute, à cette époque, une pudeur plus grande dans l'expression du sentiment, une réserve virile valorisée contre la sentimentalité supposée féminine, mais l'étendue des traumatismes psychologiques de la guerre et leurs longues résonances témoignent d'une guerre qui atteint les âmes, jusque dans les petites fermes des endroits les plus reculés du pays, autant que les corps. C'est vrai aussi, évidemment, des combattants venus des colonies. Le nombre des stèles individuelles qui portent le nom et le prénom de soldats venus d'Afrique en atteste.
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