lundi, août 24, 2015

Thalys : comment Schengen fragilise les États face à l'«euroterrorisme»

Thalys : comment Schengen fragilise les États face à l'«euroterrorisme»

Comme d'hab', c'est moi qui souligne.

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Ayoub El Khazzani est l'archétype d'un terroriste d'un genre nouveau, l'euroterroriste. En effet, l'enquête policière a montré le caractère transfrontière et européen du parcours de ce Marocain d'origine. Ayant vécu en Espagne, à Madrid et Algésiras, il a circulé et séjourné, au cours des derniers mois en France, en Allemagne, en Belgique, en Autriche. La cible qu'il a choisie, le Thalys, est hautement emblématique. C'est dans le TGV reliant Paris à Bruxelles, Amsterdam et Francfort, qu'empruntent chaque jours des centaines de fonctionnaires nationaux ou européens pour converger à Bruxelles que le tueur a tenté d'accomplir son massacre. Il est donc le produit non seulement du fanatisme islamiste qui triomphe au Moyen-Orient, mais aussi de l'échec patent de la libre circulation européenne telle qu'elle a été appliquée .

[…]

Car, avec le traité d'Amsterdam du 1er mai 1997, tout a progressivement changé. Les questions d'immigration, d'asile, de frontières, ont échappé pour l'essentiel aux Etats pour devenir des compétences communautaires, européennes, dévolues à la Commission, au Conseil des ministres et au Parlement européen, sous le contrôle de la Cour de justice. La logique initiale de Schengen, fondé sur le respect de la souveraineté des Etats a disparu. Un réglement communautaire du 15 mars 2006 «établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes», applicable à l'ensemble de l'Union (sauf le Royaume-Uni et l'Irlande) a chamboulé le système. Son article 23 n'autorise le rétablissement des contrôles aux frontières que pour une période de 30 jours renouvelables jusqu'à six mois, sous le contrôle de la Commission et de la Cour de justice qui s'assurent que le motif «d'ordre public» est respecté et peuvent sanctionner les Etats en cas d'infraction.

Dans ces conditions de bureaucratisation et judiciarisation extrêmes, les gouvernements répugnent à prendre leurs responsabilités face à la menace terroriste. En tout cas, en janvier dernier, la France n'a pas utilisé cette possibilité contrairement à 1995. En outre, une jurisprudence rigoureuse de la Cour de justice a sanctionné les Etats comme la France qui procédaient à des contrôles à l'intérieur des frontières (arrêts du 22 juin 2010 Aziz Melki et Sélim Abdeli ) en limitant fortement cette pratique. Quant aux mesures de coopération policière européennes (notamment le SIS), elles viennent de montrer leur inefficacité et leur caractère inadapté à la menace.

Cette évolution n'est pas la cause de la menace terroriste, mais elle a sans aucun doute fragilisé les Etats face à cette menace. Elle a des raisons profondes idéologiques: sans frontiérisme, rejet de l'autorité et des Nations. Certes, elle émane avant tout de l'eurocratie bruxelloise dans une logique de pouvoir, mais par aveuglement et par lâcheté, tout au long des années 2000, elle a été acceptée, sinon encouragée par l'ensemble des classes dirigeantes européennes. Face au défi mortel du terrorisme, cet abandon généralisé des milieux politiques européens a ouvert un boulevard aux extrêmes droites qui s'en sont emparé. Les dirigeants européens auront-ils la lucidité de reconnaître leurs erreurs, leurs démissions successives face à la bureaucratie bruxelloise et d'en tirer les conséquences en remettant en cause cette construction mortifère, avant qu'une catastrophe de grande ampleur ne se produise ? Il est permis hélas, d'en douter... Or, il ne se trouvera pas toujours trois Américains dans le Thalys pour sauver des dizaines ou des centaines d'Européens.
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