samedi, décembre 29, 2007

Les colonnes de Buren ou l'Etat tuteur négligent du patrimoine

M. Buren demande la destruction de ses colonnes dans la cour du Palais-Royal car elles tombent en ruine.

Une telle négligence n'est pas l'exception mais la règle. On n'en finirait pas de citer le patrimoine que l'Etat, sous toutes ses formes, néglige, c'est bien simple, c'est tout le patrimoine à sa charge.




Il suffit que je regarde autour de moi : le musée-chateau de Beaugency fermé depuis des années parce qu'il n'y a pas d'argent pour réparer les plafonds écroulés, le patrimoine aéronautique, à commencer par le musée du Bourget, abandonné, voire volontairement détruit, à en tirer des larmes à une statue de marbre, les pièces dissimulées par des paravents à Versailles ou au Louvre parce qu'on n'a pas de quoi les remettre en état. Et nous n'en finirions pas.

Une telle négligence n'est pas circonstancielle mais consubstantielle à l'Etat tel qu'il fonctionne. Aucune des incitations habituelles à l'investissement et à l'entretien du patrimoine n'existe pour l'Etat : ni bilan, ni amortissement, ni retour sur investissements, ni ristourne sur la prime d'assurance (l'Etat est son propre assureur).

Par contre, il existe une incitation forte à toujours embaucher : un haut fonctionnaire ou un politicien se donne de l'importance en augmentant l'effectif des troupes sous ses ordres, et il n'y a rien pour arrêter cette embauche compulsive. Mais, après l'embauche, rien n'incite plus à une optimisation de l'organisation.

Ainsi, quand vient l'heure des choix budgétaires, le patrimoine passe toujours en dernier.

Et voici l'Etat français tel que nous le connaissons : un personnel pléthorique, mal organisé, quelquefois mal payé, dans des locaux vétustes et sous-équipés.

Ceci est, par exemple, une description exacte de tous les commissariats de police que j'ai fréquentés (non pas que je sois un gibier de potence, mais il y a toujours un papier à aller faire viser au commissariat, par exemple une procuration électorale).

A cela quel remède ? Toujours le même : moins de personnel, mieux organisé, et, pour certains biens, la privatisation.

Comme souvent, l'Etat trahit la nation, car, de même que l'Etat n'est pas la France, l'Etat n'est pas le maitre absolu des biens confiés à sa garde : quel légitimité a-t-il à laisser tomber en ruines, non par choix (on ne peut tout conserver), mais par négligence, des oeuvres qui existaient avant lui ou en dehors de lui ?

11 commentaires:

  1. Mais le problème est toujours le même ; pas d'argent, pas de Suisse!
    Au lendemain de la guerre, ce sont les dons américains qui ont sauvé Versailles - ces "sales" Américains, n'est-ce pas...
    Tout est à l'avenant, à tous les niveaux... il ne faut donc s'étonner de rien!
    De toutes les manières, tant que ce minable état d'esprit selon lequel l'argent c'est sale, ça sent pas bon - faut donc en avoir mais sans que ça se sache - prévaudra ; tant que les patrons seront considérés comme des bandits de grand chemin, etc rien ne sera possible...
    Mais comment faire que tout ceci change?

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  2. 5 verrières portant vitraux du début 14e siècle de la cathédrale de Strasbourg menacent de ruine. L'Etat, propriétaire, n'a plus les moyens. Un appel est lancé aux visiteurs de ce patrimoine médiéval européen afin qu'ils deviennent mécènes...

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  3. Vivi. Mais dans ce cas précis, le manque d'entretien est tout à fait bienvenu. C'est ce qui a conduit cette burne de Daniel Buren à menacer de détruire son "oeuvre".

    Faites donc, Maître, faites donc. Ca nous débarrassera. N'oubliez pas d'emporter les gravats et de nettoyer derrière vous. Et surtout, faites ça à vos frais, bien entendu.

    Naturellement, ça n'arrivera pas. Déplaire à un artiste contemporain, vous n'y songez pas. Non seulement il faut leur acheter leurs merdes à prix d'or, mais en plus il font la gueule si on ne repasse pas régulièrement à la caisse pour "entretenir". L'arrogance de ces gens-là est sans limites.

    Les colonnes de Buren seront donc "restaurées", le gouvernement l'a confirmé. Ca nous coûtera plus de 3 millions d'euros. Vingt millions de francs pour passer une couche de peinture sur un parc de jeux pour enfants.

    Je crois que votre château peut attendre, Franck...

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  4. J'approuve le commentaire de Robert Marchenoir.
    Et j'ajoute, que si vous voulez rire un peu, vous pouvez lire ce que Wikipedia écrit au sujet dudit artiste. Extrait : "Il commence à utiliser les bandes alternées comme « outil visuel », explorant les potentialités de ce motif en tant que signe".
    Le commentaire est à l'image de l'oeuvre.

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  5. Pour ma part, je désapprouve le commentaire de Bob Marchenoir.

    Soit on trouve les colonnes de Buren moches et on les détruit. Soit on les trouve bien et on les garde.

    Mais les négliger, c'est refuser de choisir et c'est indigne.

    Enfin, s'il faut choisir, je trouve les colonnes de Buren moches, mais pas plus que la "grande bibliothèque".

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  6. Quitte à dépenser de l'argent pourquoi ne pas faire autre chose à la place? L'art ne se nourrit-il pas aussi d'éphémère Mr Buren?

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  7. Il y a infiniment pire. Lisez le rapport sur la grotte de Lascaux :

    http://www.culture.gouv.fr/culture/politique-culturelle/dplascaux.pdf

    Pour limiter la prolifération des champignons, les ingénieurs des années 60 avaient mis au point un système spécifique régulant la température et l'humidité. En 2000, on l'a remplacé par ... une clim' de supermarché.

    C'est à des détails comme ça qu'on mesure, sur 40 ans, le progrès de la France dans les domaines techniques, scientifiques et culturels.

    Depuis, les champignons prolifèrent. Il faut lire la chronologie offerte par le rapport, sur la période 2001-2007, pour mesurer l'état d'impréparation et d'amateurisme dans lequel on a réagi. On a créé des commissions, multiplié les administrations et, très finement, balancé quatre tonnes de chaux vive dans la grotte.

    La clim' de supermarché devrait être remplacée en 2008. Il a donc fallu 8 ans pour prendre une décision aussi évidente (et ce n'est même pas encore fait, juste décidé !).

    Voici la version de l'affaire telle que la relate une association internationale (les monuments historiques refusent l'aide des experts étrangers) :

    http://www.savelascaux.org/crisis_Happening.php

    Il faut lire tout le site de cette association. Ce qu'ils écrivent sur le fonctionnement de la bureaucratie chargée du dossier est ahurissant. Par exemple, six administrations différentes sont (ir)responsables du site :

    1) les Monuments historiques d’Aquitaine s’occupent des crédits.
    2) le conservateur de la grotte gère les visites et les recherches.
    3) le service départemental de l’architecture et du patrimoine de Dordogne est chargé des travaux d’entretien.
    4) le service des Monuments historiques de Dordogne s’occupe des travaux importants.
    5) Le laboratoire de recherche des Monuments historiques s'occupe des expertises scientifiques.

    Comme si cela ne suffisait pas, on a créé, au moment de la crise, une sixième bureaucratie :
    6) le comité scientifique de la grotte de Lascaux.

    (en attendant la septième ?)

    Une des pages de l'association internationale s'intitule "Bureaucracy and catastrophy". On ne saurait dire mieux :

    http://www.savelascaux.org/crisis_responsible.php#8

    La bureaucratie française détruisant 17 000 ans d'histoire. Alors, Buren, en comparaison...

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  8. J'ai oublié de dire - mais c'est évident quand on connaît le fonctionnement du ministère de la culture - que les membres de la bureaucratie n° 7 sont les mêmes fonctionnaires qui ont pris les décisions incriminées. La commission inclut la personne qui a fait installer la clim', le conservateur qui a accepté et supervisé le projet, le directeur du labo et les autres responsables. Ils jugeront donc (en toute indépendance, cela va de soi) les conséquences de leurs propres décisions.

    Pourquoi créer 7 services différents si ce sont les mêmes apparatchiks qui servent dans chacun d'entre eux ? Mystère.

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  9. Tout est dit : il y a beaucoup plus important que les colonnes du prétentieux Buren et sans même penser à l'art. J'ajoute que Cromagnon, loin de se dire que son art allait transcender les volumes "cognitivo-tempo-spatiaux" de son trou de pierre, n'aurait certes pas crié au scandale.
    Alors Buren...
    Un supermarché bio serait plus beau (provocateur!).
    Merci pour le lien.

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  10. Ces navrants exemples, on pourrait les multiplier à l'infini.

    Ils viennent du fait même que l'Etat est un Etat.

    Bien sûr, nos thuriféraires de l'Etat-mamma nous pointeront des vices de fonctionnement réformables, et ils n'auront pas tort.

    Mais, le fond du problème est que l'Etat, parce qu'il est un Etat, n'a pas toutes les ressources d'ingéniosité, de persévérance, de prévoyance qu'engendre l'initiative privée chez celui qui protège son bien.

    Lascaux, c'est le même problème que les éléphants : tant qu'ils étaient protégés par l'administration, ils étaient décimés. Quand les habitants des réserves en sont devenus propriétaires, ils ont été protégés.

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  11. Ca me donne une idée. En mettant les colonnes de buren (qui me font rire, c'est déjà ça) dans la grotte de lascaux, peut être que les champignons se localiseraient uniquement sur les dites colonnes.

    Je vous parie que qq'un dans la haute administration a du y penser.

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