lundi, août 27, 2007

Bouffée de délire paranoïaque à Angers


Ce dimanche, j'étais à Angers pour le rassemblement Anjou Ailes Rétro.

J'explique pour les béotiens ce qu'est un rassemblement, aussi appelé en bon Français en "fly-in" : des copains, des copains de copains, des copains de copains de copains viennent avec leurs avions, on boit, on mange, les plus doués font quelques pirouettes aériennes, les gens du coin viennent voir ces plus ou moins vieilles machines et tout cela a un coté bon enfant.

Ce que je dis ci-dessous n'est valable que si vous avez un cerveau normal. Si vous avez un cerveau de gendarmes ou de préfet, vous voyez les choses totalement différemment : vous voyez un dangereux rassemblement de terroristes potentiels (les pilotes) et d'innocentes victimes à protéger à tout prix, y compris d'elles-mêmes (les spectateurs). Mais, attention, parmi les innocentes victimes, il peut aussi se cacher des terroristes.

Je pourrais vous détailler les mesures dites de sécurité qui ont été imposées, mais j'en ai honte tellement certaines sont absurdes.

Sachez seulement que le sommet de paranoïa fut atteint parce que le Falcon d'un éminent, François Fillon nous a-t-on dit, était garé entre deux parkings d'avions invités. Nos gardiens avaient donc imaginé de faire faire un détour par le pôle nord pour passer d'un parking à l'autre, des fois qu'un des pilotes aurait eu l'idée de crever les pneus ou de jeter une boule puante dans la cabine. Il ne serait pas venu à l'idée de nos gardes-chiourme que, quitte à ce que personne ne touche à l'engin sacré, c'est le Falcon de l'éminent qui aurait pu bouger. Et tout dans cette tonalité.

Vous remarquerez que l'Etat modeste et l'Etat paranoïaque sont aussi incompatibles que l'eau et le feu, car il faut avoir une idée stratosphérique de l'éminence de l'éminent pour déranger tant de monde pour si peu. D'ailleurs, je crois que c'est le moteur ultime de l'Etat paranoïaque : il permet de justifier, au nom de la sacro-sainte sécurité, n'importe quelle dérive policière ou monarchique.

En ce sens, il faut bien constater avec tristesse que Ben Laden a réussi son coup, avec l'aide zélée de nos bureaucrates : nous sommes moins libres et le mode de vie occidental est moins fidèle à ses principes originels et moins attrayant.


Les gens du GPPA, les organisateurs, en étaient à s'excuser : «Nous savons bien que ce que nous vous faisons faire est idiot, mais il y a deux gendarmes à la tour qui surveillent et qui n'attendent qu'une occasion pour fermer la manifestation.»

Et, effectivement, si les autorités avaient été cohérentes, vu leur niveau de paranoïa, elles auraient du arrêter le meeting. Mais, évidemment, la disproportion entre la réalité et les fantasmes se trimbalant dans les têtes bureaucratiques serait alors apparue avec trop d'évidence (je rappelle que les accidents en meeting aérien impliquant des spectateurs sont extrêmement rares, je ne pense pas qu'il y en ait eu un seul depuis vingt ans en France. Quant aux attentats, je n'ai pas connaissance qu'il y en ait eu un seul en meeting dans le monde).

Pour comparer : aux USA, pays de la paranoïa sécuritaire -c'est bien connu-, dans ce genre de manifestations, il faut chercher les policiers et les barrières, et encore, vous n'êtes pas sûr d'en trouver.

Voilà où on en est en France en 2007.

Qu'est-ce qui permet ce genre de délire ? Avant tout l'irresponsabilité. Oui, tous ces gens qui arguent de leurs responsabilités pour imposer leurs caprices sont en fait irresponsables : le gendarme obéit à un chef gendarme qui obéit au directeur de cabinet qui obéit au préfet dans sa tour d'ivoire et qu'on ne verra pas dans un rayon de dix kilomètres de la manifestation, et de toute façon, si un incident survient, les ennuis retomberont d'abord sur l'organisateur qui n'est aucune des personnes sus-citées.

Le préfet ne répond de ses oukases devant personne, devrait-il s'en expliquer devant un des participants du week-end que, si il avait quelque bons sens (ce qui n'est pas assuré), le rouge lui monterait au front à la deuxième phrase.

Comme l'anonymat est la condition première de l'irresponsabilité, je cite un nom : le préfet de Maine-et-Loire s'appelle Jean-Claude Vacher , il est sorti de l'ENA en 1970. Vous saurez désormais ce qu'il faut en penser.

Un deuxième facteur permet ces folies : le manque total de bon sens de nos bureaucrates. L'irresponsabilité y joue son rôle : en général, devoir répondre de ses actes est une forte incitation au bon sens. Mais, je crois aussi qu'il y a un problème de formation, je dirais presque de philosophie : le métier noble, c'est l'intellectuel, barricadé dans son bureau, qui dirige, et refait, le monde à coups de directives sorties de son puissant cerveau. Aller voir, se rendre compte, discuter, c'est déjà déchoir.

Y avait-il un moyen d'assurer la sécurité à Angers ce week-end autrement que par un délire paranoïaque bureaucratique ? Bien entendu. Il suffisait de laisser faire les organisateurs : ils ont de l'expérience, ils sont nombreux et ils sont motivés pour que tout se passe bien. Ils auraient fait appel aux autorités, mais pas plus que de besoin.

Seulement voilà : pour que les choses se passent ainsi, il faudrait que les bureaucrates fassent confiance aux citoyens. Or, toute la tradition politico-administrative française est opposée à cette idée. On traite les citoyens comme des mineurs, qui, en retour, se comportent, hélas, bien trop souvent comme des enfants (la sécurité routière en est un autre exemple).

Il est désespérant de penser que tout cela était parfaitement décrit par Alain Peyrefitte dans « Le mal français », sorti en 1976, et, bien loin de guérir, le mal s'est aggravé en trente ans, dans le même temps que la mondialisation, faite de souplesse, d'adaptation, d'évolution et, au fond, de confiance, faisait rage.

D'autre part, et sur un sujet différent (est-ce si sûr ?), vous pouvez adresser les idées dont vous n'avez plus usage, même en mauvais état, à l'adresse suivante :

Parti Socialiste

10 rue de Solférino
75007 Paris

Vous ferez ainsi un geste en faveur de nécessiteux.

Si il vous en reste encore après cela, vous pourrez aussi envoyer le reliquat à :

M. Le Premier Ministre

Bureau des vraies réformes

57 rue de Varenne
75007 Paris

6 commentaires:

  1. Etant voltigeur, je fais plus que compatir.

    Ceci est d'ailleurs a rapporcher de la futur interdiction, d'elever certaines races de chiens, suite a la mort tragique de la petite fille.

    Y en a vraiment mare.

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  2. Vous avez raison de dire que nous sommes mineurs aux yeux des autorités françaises : ne sont-elles pas dites "de tutelle" (comme pour les incapables majeurs)...?

    Doc38 en Isère

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  3. Ah... la douceur angevine !

    Il faut dire qu'en 4 ans d'études dans cette charmante cité, j'ai pu constater nombre de délires paranoïaques de grande ampleur.
    Une des villes les plus fliquées de France en nombre de pandores par habitant, qui a en plus la joie d'accueillir les stagiaires de la brigade des stups basée à Saumur... Autant vous dire que la rombière s'y sent en sécurité. J'ai rarement vu (et subi) autant de controles d'identité et de fouilles au corps... c'est fou comme avoir 20ans est suspect en Anjou.

    Le Tribunal est également d'une rare sevèrité... approuve sans restriction les amendes elevées et pas toujours justifiées (comme ce chef scout accusé de tapage ncture à 21h45 !), et condamne avec autant de mesure que de compréhension les rares troubles à l'ordre public que connait l'agglomération.
    A tel point que certains étudiants en droit se délectaient des après-midi passées au tribunal, qui valaient les Monty Pythons en poilade brute.

    Bref, quoi d'étonnant à voir le préfet se mettre au diapason d'une administration monomaniaque de l'ordre.
    Angers ? c'est calme !

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  4. @ stan : vous avez essayé de mettre un pitbull dans un Cap ?

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  5. Sur mes genoux dans un cap21
    Conclusion les pitbulls detestent les remontes dos et ne savent pas sauter en parachute.

    ;)

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  6. Je vois que nous sommes passés pas loin l'un de l'autre :

    http://avenirdufutur.hautetfort.com/archive/2007/08/26/meeting-aerien-a-angers-marce.html

    Il faut dire que la douceur angevine a parfois une drôle de gueule :

    http://avenirdufutur.hautetfort.com/archive/2007/09/13/les-accroche-coeurs-s-enflamment.html

    Amicalement.

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