jeudi, décembre 16, 2004

L'ornière

La pente du déclin sur laquelle glisse la France est apparente pour un grand nombre de Français. Bien souvent, ils voient aussi que la France a de grandes ressources et que rien n'est perdu, qu'il faut juste appliquer l'énergie aux bons endroits, utiliser les bons leviers.

Et pourtant, rien ne se passe. Pourquoi ?

Napoléon disait que la qualité d'une armée se reconnaît à l'âge de ses généraux. Une armée capable de promouvoir des jeunes pleins d'allant et d'intelligence sera toujours supérieure à une armée où la promotion se fait au tableau d'avancement.

Comment demander à des hommes qui ont fait carrière, qui se sont coulés dans le moule, de casser ce moule, de jeter à terre ce qui a été leur passe-temps et leur ambition d'adulte ? Cela n'a pas tant à voir avec l'âge qu'avec l'ancienneté dans le système.

Plus un système se fige, plus il lui faudrait des hommes neufs pour lui éviter le naufrage, moins il est capable d'en produire et moins encore de leur confier le pouvoir.

Contre le voeu de beaucoup, voire de la majorité, mais grâce à l'absence de direction de l'ensemble, le noeud coulant se resserre, par la force de l'inertie, par les automatismes de l'habitude, par le poids de la tradition, par une fidélité mal placée.

Quelques échappées fébriles sont parfois tentées, mais, ne faisant pas partie d'un plan cohérent, par manque de vision, par manque de persévérance, elles échouent, elles retombent comme un soufflé, elles sont circonvenues, étouffées. L'essentiel du mal demeure intact, inabordé, les bonnes volontés davantage déprimées par cette énergie dépensée en vain, par ces espoirs déçus.

Les élans trop courts succèdent aux fuites déguisées. "Je ne fuis pas, je vais cherrcher des secours" se dit en langage politique : "Le gouvernement est déterminé à agir sur cette question. Il va créer une commission afin de l'aider dans ses réflexions."

Le temps passe en agitation brownienne. La pendule égrène les heures du glissement fatal et le lourd nuage de l'insignifiance s'amasse au-dessus de nos têtes.

Des individus de bonne volonté, piégés dans un système néfaste, peuvent ainsi créer un gouvernement falot, amorphe, où les petites affaires donnent l'illusion de l'action, où les enjeux carriéristes se substituent aux grandes ambitions.
Pour briser le mauvais destin, dévier le cours des choses, il y faudrait une volonté forte.

Une volonté collective ou individuelle, peu importe. Si c'est une volonté collective, elle trouvera des hommes pour la représenter ; si c'est une volonté individuelle, elle trouvera des hommes pour la seconder.

Cette volonté se reconnaîtra a un signe : elle dérangera et elle soulagera en même temps. Son temps n'est pas encore venu.

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